Le méga-rassemblement organisé hier à Maroua par la Plateforme des Jeunes de l’Extrême-Nord pour l’Émergence a connu un succès retentissant. Pourtant, derrière cette démonstration de force citoyenne en faveur du Président Paul Biya se dessine un malaise politique profond. L’absence remarquée de plusieurs barons régionaux du RDPC soulève des questions troublantes.
Enquête sur les manœuvres souterraines qui ont précédé cet événement et sur ce que révèle cette situation des luttes intestines au sein du parti de Paul Biya.
Le rassemblement de Maroua restera dans les annales comme l’une des plus impressionnantes mobilisations populaires que l’Extrême-Nord ait connue ces dernières années. Comparable uniquement aux meetings présidentiels lors des dernières campagnes électorales, l’événement coordonné par le DIRCAB du PAN et Mohamadou Atikou Kalda a drainé une foule considérable venue réaffirmer son soutien indéfectible au Président Paul Biya pour 2025. Mais derrière ce tableau idyllique d’une région unanimement acquise au Chef de l’État se cache une réalité bien plus complexe et troublante : celle d’une guerre sourde menée par certaines élites locales du RDPC contre cette initiative citoyenne.
Une campagne de déstabilisation orchestrée en coulisses
Selon plusieurs sources dignes de foi, les semaines précédant le rassemblement ont été marquées par une offensive médiatique sans précédent visant à décrédibiliser l’événement. “Des sommes considérables ont été débloquées pour financer certains lanceurs d’alerte et médias compliants afin qu’ils dénigrent systématiquement notre initiative”, confie sous couvert d’anonymat un membre de la Plateforme des Jeunes. Plus grave encore, nos investigations révèlent l’existence d’un véritable atelier de fabrication de faux documents, correspondances administratives, lettres falsifiées attribuées à des personnalités politiques, communiqués officiels contrefaits, tous destinés à semer la confusion et à décourager la participation populaire.
“Comment comprendre qu’une initiative visant à soutenir Paul Biya puisse susciter une telle hostilité de la part de responsables qui doivent tout au Président ?” s’interroge Joël NDZENGUE, observateur de la scène politique Camerounaise. La question mérite d’être posée tant la contradiction apparaît flagrante. Des cadres régionaux du RDPC, formés à l’école du Renouveau et propulsés aux plus hautes fonctions par la confiance présidentielle, auraient ainsi œuvré dans l’ombre pour saboter une manifestation de soutien à leur propre mentor politique.
Des absences qui en disent long
Le jour J, l’affluence exceptionnelle a clairement démontré l’échec de cette entreprise de sabotage. Mais un fait troublant n’a pas échappé aux observateurs avisés : l’absence remarquée de plusieurs figures majeures du parti présidentiel dans la région. Si le Très Honorable Cavaye Yeguié Djibril a honoré l’événement de sa présence, conférant ainsi une légitimité institutionnelle de premier plan à l’initiative, de nombreux barons locaux du RDPC ont brillé par leur absence. “Ces défections ne sont pas fortuites”, analyse un politologue spécialiste de la région du Sahel. “Elles traduisent un positionnement calculé qui pourrait annoncer des recompositions majeures sur l’échiquier politique septentrional.”
Parmi les absents, des figures dont le poids politique et l’influence territoriale ne sont plus à démontrer. Comment interpréter ce désistement collectif face à une mobilisation populaire en faveur du Président qu’ils prétendent servir ? S’agit-il d’une simple jalousie face au succès d’une initiative qu’ils n’ont pas initiée ? Ou faut-il y voir les prémices d’un éloignement plus profond vis-à-vis de la ligne présidentielle ?
Des loyautés en question
“Ce que nous observons pourrait bien être les signes avant-coureurs d’une trahison politique majeure”, avance sans détour un cadre du RDPC favorable à la Plateforme des Jeunes. “Ces élites qui doivent tout au Président Biya, leurs positions, leur fortune, leur influence, semblent aujourd’hui prêtes à lui tourner le dos dès qu’une initiative échappe à leur contrôle direct.” Cette analyse sévère soulève une question cruciale : assiste-t-on aux prémices d’un repositionnement stratégique de certains barons régionaux en prévision de l’après-Biya ? La simple hypothèse suffit à faire frémir dans une région traditionnellement considérée comme le bastion inexpugnable du pouvoir.
Le contraste est saisissant entre l’enthousiasme populaire manifesté lors du rassemblement et la réticence de l’establishment politique régional. “Les populations de l’Extrême-Nord ont clairement démontré leur attachement au Président Paul Biya, par-delà les calculs politiciens de certains de leurs représentants”, souligne un notable traditionnel présent à la manifestation. Cette dissonance entre la base et une partie des élites constitue peut-être le révélateur le plus significatif des tensions qui traversent actuellement le parti au pouvoir.
Des manœuvres qui pourraient se retourner contre leurs auteurs
La stratégie adoptée par ces caciques régionaux pourrait toutefois s’avérer contre-productive à plus d’un titre. D’abord parce que le succès éclatant du rassemblement malgré leurs manœuvres d’obstruction démontre leur perte d’influence relative sur le terrain. Ensuite parce que cette attitude pourrait être perçue à Yaoundé comme un signal d’alarme concernant leur loyauté. “Le RDPC est une formation politique qui a toujours su identifier et sanctionner les velléités de dissidence en son sein”, rappelle un ancien ministre originaire de la région.
Certaines sources proches du secrétariat général du parti évoquent déjà la possibilité d’une “mission d’évaluation” destinée à faire la lumière sur ces comportements ambigus. “Le parti ne saurait tolérer que des responsables censés porter sa vision et soutenir son président fondateur adoptent des postures aussi équivoques”, affirme un membre du comité central. La sanction pourrait être politique, avec une mise à l’écart lors des prochaines échéances électorales, ou plus immédiate, à travers un remaniement des instances régionales du parti.
Un mouvement citoyen qui change la donne
Au milieu de ces turbulences politiques, la Plateforme des Jeunes de l’Extrême-Nord pour l’Émergence émerge comme un acteur nouveau qui pourrait rebattre les cartes du jeu politique régional. En mobilisant directement les populations sans passer par les canaux traditionnels du parti, Mohamadou Atikou Kalda et ses compagnons ont démontré qu’il existe désormais des voies alternatives pour exprimer son soutien au Président Paul Biya. Cette capacité à contourner les hiérarchies établies constitue sans doute la véritable révolution politique que révèle le rassemblement de Maroua.
“Notre démarche est citoyenne avant d’être partisane”, expliquait d’ailleurs le coordinateur national de la Plateforme dans son allocution. Une nuance subtile mais essentielle qui pourrait préfigurer une reconfiguration profonde des modalités d’engagement politique dans cette région longtemps dominée par des logiques clientélistes traditionnelles. En s’adressant directement à la jeunesse et en articulant soutien politique et projets concrets de développement, la Plateforme propose un modèle qui pourrait faire école au-delà des frontières régionales.
L’heure des choix
Face à cette situation inédite, le parti présidentiel se trouve confronté à un dilemme stratégique majeur. Doit-il intégrer cette nouvelle dynamique citoyenne au risque de bousculer les équilibres établis ? Ou tenter de reprendre la main en réaffirmant les hiérarchies traditionnelles au sein de l’appareil partisan ? La réponse à cette question déterminera largement l’avenir politique de l’Extrême-Nord et, au-delà, la capacité du RDPC à se régénérer face aux défis qui l’attendent.
Le succès populaire du rassemblement de Maroua, en dépit des manœuvres souterraines visant à le saboter, démontre que les populations de l’Extrême-Nord maintiennent leur confiance au Président Paul Biya. Mais il révèle également les fissures inquiétantes qui traversent l’édifice du parti au pouvoir dans cette région stratégique. À l’approche de l’échéance cruciale de 2025, ces tensions internes constituent un signal d’alarme que les instances nationales du RDPC seraient avisées de prendre au sérieux.
“La question n’est plus de savoir si ces élites locales ont trahi le Président Biya, mais plutôt jusqu’où ira cette trahison et quelles en seront les conséquences”, conclut un analyste politique Biyayiste. Entre dynamique citoyenne renouvelée et calculs politiciens des barons locaux, l’Extrême-Nord pourrait bien devenir le théâtre d’une recomposition politique majeure dont les répercussions se feront sentir bien au-delà des frontières régionales. Le temps dira si le parti saura tirer les leçons de cet épisode révélateur ou si, comme trop souvent, la réalité du terrain sera sacrifiée sur l’autel des compromis politiques.
L’Afrique Émergente